Des potagers vivants : la solidarité à l’œuvre dans les jardins partagés lyonnais

29 septembre 2025

Quand la terre rassemble : un paysage en mouvement à Lyon

Dans l’imaginaire collectif, le jardin potager évoque souvent la convivialité d’antan : voisins échangeant plants et confitures, enfants cueillant des framboises dans les allées. Aujourd’hui, face à l’urbanisation galopante de Lyon, ce rôle de tisseur de liens est réinvesti par les jardins partagés. Selon la Maison de l’environnement de Lyon, la ville compte plus de 80 jardins partagés, éclosant dans tous les arrondissements, portés par des collectifs de citoyens, des associations ou des bailleurs sociaux.

Ce mouvement, initié au début des années 2000, s’étend désormais au-delà du loisir horticole. Les jardins partagés lyonnais deviennent des espaces d’inclusion pour des publics fragiles, et en particulier pour les personnes âgées souffrant d’isolement.

Isolement des aînés : un défi sous-estimé à Lyon

À Lyon, comme partout en France, l’isolement social des plus de 75 ans progresse de manière inquiétante. D’après une étude de l’association Petits Frères des Pauvres (2023), près de 530 000 personnes âgées en France vivent dans une solitude quasi totale, dont une part significative en milieu urbain. À Lyon, le nombre de seniors de plus de 60 ans est estimé à 130 000 (Métropole de Lyon, recensement 2020), et un rapport du CCAS de la ville souligne que plus de 15 % des personnes âgées lyonnaises vivent seules, sans contact régulier avec la famille ou les amis.

Cette solitude a un impact direct sur la santé : augmentation des troubles anxieux et dépressifs, accroissement du risque de perte d’autonomie et précarité alimentaire. Face à cette réalité, repenser le lien social n’est pas un luxe, mais une priorité de santé publique.

Le jardin partagé : bien plus qu’une parcelle de terre

Mais qu’apportent concrètement les jardins partagés à cette problématique ? Les retours d’expérience à Lyon convergent sur quelques bénéfices-clés, à la jonction du bien-être et du réseau relationnel.

Créer des routines et des repères

  • Ouverture régulière des jardins, planifiée à la semaine, encourage la sortie du domicile : la plupart des jardins lyonnais organisent un créneau hebdomadaire.
  • Organisation d’ateliers thématiques adaptés (tisanes, semis, cuisine, bricolage) dans plus de la moitié des jardins recensés par la Maison de l’environnement.
  • Valorisation des compétences traditionnelles (greffage, bouturage, conservation des légumes), où les aînés deviennent transmetteurs de savoir et non plus bénéficiaires assistés.

Briser l’isolement et favoriser la rencontre intergénérationnelle

  • D’après le collectif Jardins Partagés Lyonnais (JPL), les jardins accueillant des seniors enregistrent une fréquence de visite supérieure de 40 % lors des beaux jours, car la convivialité d’un espace partagé pousse à sortir et à discuter.
  • L’inclusion de groupes scolaires ou de structures petite enfance, via le programme Terrains d’Avenir (Lyon 7e), multiplie les passerelles entre générations : échanges de recettes, contes, gestes du jardinage.
  • Les rencontres autour du compost, des récoltes, de la création de nichoirs ou d’insectes hôtels favorisent des liens spontanés et détendus.

Rétablir une estime de soi et lutter contre les pertes d’autonomie

  • Activités physiques douces, adaptées, permettant de bouger sans appréhension : désherbage, arrosage, plantation en buttes ou en bacs surélevés (notamment dans les jardins accessibles PMR du 3e et du 5e arrondissement).
  • Partage de légumes ou de plantes aromatiques lors de marchés solidaires ou de repas de quartier, valorisant la participation individuelle et collective des plus âgés.
  • Prise de rôles actifs (responsable d’un carré, référent compost, animateur d’atelier) pour redonner une place légitime et valorisée aux seniors.

Initiatives et associations à l’œuvre à Lyon

De nombreux projets concrétisent ces ambitions à Lyon, avec des approches parfois complémentaires. Voici quelques-unes des réalisations qui méritent l’attention :

  • Jardin de la Guille (Guillotière, 7e) : créneau matinal réservé aux personnes âgées tous les mercredis, coordination avec l’EHPAD voisin pour des ateliers intergénérationnels et plantations d’aromatiques, organisation d’un troc légumes-bouquets lors de la fête annuelle.
  • Jardin de l’Union (Villeurbanne, proche Lyon 3e) : dispositif “marche accompagnée” avec un.e bénévole qui vient chercher une personne âgée à son domicile pour l’accompagner jusqu’au jardin. Cette approche a permis à dix résidents isolés du quartier de reprendre une activité sociale en 2023 (source : Ville de Villeurbanne).
  • Jardin partagé de la Briche (Lyon 8e) : ateliers mémoire animés par un psychologue autour du potager et de la cuisine, conçus pour stimuler la parole et la mémoire. Ces ateliers accueillent en moyenne huit seniors isolés à chaque session.
  • Association Brin d’Guill’ : implication de bénévoles seniors comme mentors pour l’accueil des nouveaux membres, en particulier les personnes âgées ou nouvellement retraitées du quartier.

Des preuves d’impact : chiffres et témoignages

Les données ne manquent pas pour illustrer l’efficacité de ces dispositifs à l’échelle locale. Selon la Ville de Lyon, la fréquentation des jardins partagés par des personnes âgées isolées a augmenté de 25 % entre 2017 et 2022. L’étude d’impact 2022 menée par le collectif JPL souligne que :

  • 72 % des membres de plus de 65 ans interrogés déclarent avoir développé “au moins une nouvelle relation amicale” via le jardin.
  • 54 % rapportent une amélioration notable de leur humeur et de leur niveau d’activité physique hebdomadaire.
  • 42 % participent désormais à d’autres activités de quartier, renforçant leur ancrage local au-delà du jardin.

Des retours de terrain confirment ces dynamiques. Au Jardin partagé des États-Unis (Lyon 8e), Cécile, 82 ans, raconte : “Ici, je croise des gens chaque semaine, même si on ne jardine pas tout le temps, je sais que quelqu’un attend de mes nouvelles. On apporte nos restes, on discute recettes... c’est mon rendez-vous du mercredi.”

Dans un autre quartier, M. Krief, 75 ans, souligne la simplicité de l’accueil : “Je n’ai jamais eu besoin de connaître le nom de chaque plante pour être accepté. On apprend ensemble, chacun à son rythme. C’est rare à notre âge.”

Comment rejoindre ou soutenir un jardin partagé à Lyon ?

S’impliquer dans un jardin partagé lyonnais reste accessible, même pour ceux qui débutent. Plusieurs options s’offrent aux aînés comme à leurs familles, aidants ou voisins :

  1. Se renseigner auprès de la Maison de l’Environnement de Lyon pour obtenir la liste actualisée des jardins par arrondissement.
  2. Contacter les centres sociaux, MJC ou ateliers seniors de quartier, qui travaillent en lien avec les jardins (notamment dans le 2e, 3e, 5e et 8e arrondissement).
  3. Oser participer à une porte ouverte, un atelier ou une fête de quartier. L’accueil y est souvent chaleureux et pensé pour les personnes pas encore membres.
  4. Proposer ses compétences : cuisine, bricolage, transmission de gestes ou accompagnement de sorties pour les plus fragiles.
  5. Soutenir ou orienter une personne âgée isolée en lui proposant, au début, une visite accompagnée par un membre de son entourage ou une association partenaire.

Le bouche-à-oreille reste un vecteur efficace : chaque jardin partagé à Lyon a ses habitudes, ses horaires, ses dynamiques.

Ce qu’apporte le jardin partagé au tissu social lyonnais

Les jardins partagés lyonnais démontrent chaque semaine qu’il est possible de sortir de l’isolement, sans grand discours et parfois sans autre équipement qu’un arrosoir ou une paire de gants. Ils constituent des laboratoires de la solidarité, où chacun, quel que soit son âge ou ses capacités, trouve une place et un rôle.

A l’heure où la ville vieillit et où la question de l’inclusion devient centrale, ces micro-communautés offrent des formes de soutien discrètes mais puissantes. Les personnes âgées y redécouvrent la joie de la transmission, la force du collectif et le plaisir simple de partager, dans une ville où tout va parfois trop vite. Le jardin, espace de patience et d’entraide, s’invente ainsi chaque jour comme un vrai remède à la solitude, à quelques pas de chez soi.

Pour toutes celles et ceux qui s’interrogent sur la meilleure manière de tisser ou de retisser des liens autour d’eux, le jardin partagé demeure un point de départ aussi fertile qu’accueillant.

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