Rencontres intergénérationnelles à Lyon : Un remède à l’isolement des aînés ?

13 septembre 2025

Un enjeu de lien social à l’ère du vieillissement

L’isolement des seniors inquiète partout en France, et Lyon ne fait pas exception. Selon le Baromètre des Petits Frères des Pauvres (édition 2023), 2,3 millions de personnes âgées de plus de 60 ans souffrent d’isolement social, dont plus de 530 000 en situation de "mort sociale" – sans aucun lien significatif (sources : Petits Frères des Pauvres). En région Auvergne-Rhône-Alpes, les chiffres recoupent désormais la moyenne nationale.

Le tissu associatif lyonnais fourmille d’initiatives pour contrer cette réalité, privilégiant de plus en plus la rencontre intergénérationnelle. Que valent réellement ces ateliers où enfants, ados, jeunes adultes et seniors partagent activités et discussions ? Réduisent-ils effectivement l’isolement ? Comment s’organisent-ils sur notre territoire et quels sont leurs effets concrets ?

Des ateliers intergénérationnels aux visages multiples

À Lyon, les ateliers intergénérationnels prennent des formes variées :

  • Projets artistiques (chants, théâtre, arts plastiques) portés par des établissements comme la MJC Laënnec ou le centre social des États-Unis.
  • Jardins partagés impliquant écoles, jeunes du quartier et résidents de résidences autonomie (exemple : Verger du Grand Trou).
  • Ateliers numériques animés par des collégiens ou lycéens pour accompagner les seniors (projet Passerelle Intergénérationnelle, Croix-Rousse).
  • Groupes de jeux de société ou de lecture, comme ceux proposés dans les médiathèques du 6e et du 7e arrondissement.

Ce foisonnement s’explique par la mobilisation d’acteurs locaux : CCAS, centres sociaux, bailleurs sociaux (Néolia, Grand Lyon Habitat) et associations comme Unis-Cité, l’Oasis des Seniors, Les Petits Frères des Pauvres ou encore l’association Ensemble Demain.

Quels impacts sur la solitude et l’isolement ?

Des effets immédiats observés

Des études nationales et locales convergent pour montrer que la participation à des ateliers intergénérationnels permet :

  • Une augmentation nette de la fréquence des contacts sociaux chez les seniors (jusqu’à +30% selon une étude Ifop-Solidarité Grand Âge, 2021)
  • Une amélioration du moral et du sentiment d’utilité : 70% des seniors interrogés à Lyon après 6 mois d’ateliers déclaraient mieux "retrouver confiance en soi" (source : Rapport de la Métropole de Lyon, 2022)
  • Une réduction de l’anxiété et des symptômes dépressifs dans 1 cas sur 2 (données Ligue contre la dépression, Rhône, 2021)

Une anecdote qui en dit long

Au sein du projet Cartes Postales Intergénérationnelles, lancé à la résidence autonomie La Rotonde (Lyon 6e) en 2022, une participante de 84 ans confiait lors d’une restitution :

"Je n’attendais rien de spécial, mais voir ces petites mains écrire sur la même carte que moi, ça m’a fait rire, et après, j’ai repensé à ces moments, alors le matin, je me sentais moins seule. J’avais hâte d’un nouveau mercredi."

Des ateliers plébiscités… mais pour qui ?

Les retours d’expérience mettent en lumière quelques nuances importantes :

  • Ils bénéficient surtout aux seniors déjà un minimum autonomes, qui peuvent sortir de chez eux et s’engager activement.
  • Les seniors dépendants ou touchés par la maladie d’Alzheimer parviennent plus difficilement à participer aux ateliers "classiques". Des formats adaptés émergent (ateliers sensoriels, visites-domicile), mais restent encore rares.
  • La régularité est déterminante : ce sont surtout les ateliers hebdomadaires ou mensuels, organisés sur le long terme, qui créent de véritables liens.

L’accès à l’information et le bouche-à-oreille restent des freins importants. Selon l’enquête réalisée au printemps 2023 par la Fédération des centres sociaux du Rhône, 1 senior sur 3 n’a jamais entendu parler de ces actions dans son quartier.

Quels facteurs les rendent efficaces ?

  • La co-construction : Les ateliers les plus appréciés sont pensés "avec" les seniors, pas seulement "pour" eux. Exemple à la MJC Montchat, où les résidents voisins définissent en amont les thèmes abordés.
  • Le maillage territorial : Quand les commerces et professionnels de quartier s’en mêlent (cafés solidaires, pharmaciens relais), la participation grimpe de 25% en moyenne (Etude AG2R La Mondiale, 2021).
  • L’implication des jeunes : Les jeunes en service civique (Unis-Cité, Concordia) jouent un rôle-clé dans l’animation et la mobilisation, apportant énergie et idées nouvelles.

La dynamique d’entraide peut même se prolonger après les ateliers : plusieurs groupes restent en contact, organisant des rencontres informelles, ce qui prolonge l’impact anti-isolement.

Des exemples marquants à Lyon

Atelier Porté par Public concerné Impact observé
Cuisine solidaire entre générations Centre social Bonnefoi Seniors isolés, familles du quartier Dix nouveaux binômes créés, 90% souhaitent continuer
Ateliers de jeux de société inter-âges Médiathèque Lacassagne Seniors, collégiens Chiffres de fréquentation doublés sur un an
Croix-Rousse Connectée Association Passerelle Seniors, lycéens Plus de 50 seniors formés au numérique ; création d’un réseau autonome

Des limites identifiées

  • Non-recours persistant : Les seniors les plus coupés du monde associatif et du numérique sont souvent absents de ces dispositifs.
  • Durabilité à consolider : Certains ateliers peinent à survivre aux changements de subventions ou de bénévoles motivés.
  • Besoins spécifiques des publics fragiles : Absence d’offres vraiment adaptées au grand âge ou au handicap lourd.

Les acteurs du secteur s’accordent sur la nécessité de renforcer les passerelles entre "aller-vers" (visites à domicile, repérage) et "venir à" (participation à un atelier).

Vers des ateliers “de quartier”, accessibles et tournés vers l’avenir

Les ateliers intergénérationnels, à Lyon, s’inscrivent dans une dynamique d’expérimentation. Leur efficacité, bien réelle pour beaucoup de seniors, dépend d’une adaptation constante : diversification des formats, multiplication des relais d’information, meilleure prise en compte de la très grande fragilité.

Leur potentiel se dessine tout particulièrement dans les quartiers où l’entraide a des racines (états-Unis, Croix-Rousse, Gerland), mais ils pourraient encore mieux toucher les personnes isolées hors réseaux, ou les plus âgées.

À l’heure du vieillissement de la population - rappelons qu’à Lyon, plus de 18% des habitants ont plus de 60 ans (Insee, Mairie de Lyon, 2023) - renforcer ces ateliers, c’est agir pour que chaque génération ait une place. Donner de la visibilité à ces initiatives, c’est aussi offrir aux seniors la possibilité de retrouver le goût du collectif.

L’atelier intergénérationnel n’est pas une baguette magique, mais il reste l’une des voies les plus prometteuses pour que, dans nos rues lyonnaises, vieillir ne rime plus avec solitude.

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